L'impasse politique européenne bloque le trafic ferroviaire transfrontalier

Oliver - Team s+v
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22 March 2023 Temps de lecture: 4 minutes
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Güterverkehr s+v
Tout le monde est d'accord sur le principe : le transport de marchandises à travers la Suisse devrait, dans la mesure du possible, se faire par le rail. Mais comme les accords bilatéraux avec l'UE ne sont plus mis à jour, cela devient de plus en plus difficile. Récemment, l'association VAP (Association des chargeurs), qui représente les chargeurs et les détenteurs de wagons dans le transport ferroviaire, a tiré la sonnette d'alarme. Frank Furrer, secrétaire général de la VAP, explique à ouverte+souveraine les défis auxquels sa branche est actuellement confrontée.

Frank Furrer, la VAP a tiré la sonnette d'alarme en décembre : la Suisse perdrait l'accès à la base de données "One Stop Shop" (OSS) de l'Agence ferroviaire européenne à la fin 2023. À quoi sert OSS ?

Avec le 4e paquet ferroviaire, l'UE a harmonisé les procédures d'autorisation au niveau international. Cela a permis d'accélérer considérablement la durée des procédures d'homologation pour plusieurs pays et de réduire les efforts et les coûts pour les demandeurs. L'Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (ERA) gère désormais les procédures et utilise pour cela OSS comme plateforme centrale de données et de communication. L'ERA associe activement les autorités d'homologation nationales concernées au processus d'examen, ce qui permet aujourd'hui à la Suisse d'y participer également. Un demandeur soumet donc un dossier pour la procédure d'autorisation via OSS, l'échange nécessaire se fait alors également de manière centralisée via OSS.

Que signifie l'exclusion sur le plan opérationnel - qu'est-ce qui change concrètement pour ses membres au 1er janvier 2024 ?

Si cet accès à l'OSS disparaît, le demandeur devra à l'avenir mener une procédure séparée et non coordonnée avec l'autorité suisse OFT. D'une part, cela entraîne des travaux à double et, d'autre part, la coordination en cas d'autorisations pour plusieurs pays n'a plus lieu d'être, avec des conséquences indéterminées sur la durée et le succès de la procédure. Il existe un risque important que les demandeurs n'obtiennent pas d'autorisations concordantes pour les pays de l'UE et la Suisse. Cela signifie un retour de 25 ans en arrière, à l'époque où les différentes autorités nationales traitaient leurs procédures sans concertation internationale.

Votre branche dépend fortement d'un accord sur les transports terrestres qui fonctionne avec l'UE, l'un des sept accords des Bilatérales I. Ceux-ci ne sont plus actualisés depuis longtemps. Le ressentez-vous ?

Oui - depuis des années, la Suisse veut devenir un membre à part entière de l'agence européenne ERA, car l'ERA est une institution internationale importante pour le développement des chemins de fer. L'adaptation nécessaire de l'accord sur les transports terrestres est politiquement bloquée. Cela a pour conséquence que chaque collaboration doit être négociée séparément. La Suisse est tributaire de la bonne volonté des instances européennes.

Depuis l'adoption de l'article sur la protection des Alpes, la Suisse poursuit l'objectif d'acheminer le plus possible le trafic de marchandises à travers les Alpes par le rail. L'érosion de l'accord sur les transports terrestres menace-t-elle cette stratégie de transfert ?

Les incertitudes liées aux procédures d'homologation avec la Suisse ont un impact négatif sur la stratégie de transfert - non seulement pour le transit, mais aussi pour l'importation et l'exportation. Les entreprises devront à l'avenir réfléchir à l'opportunité d'assumer ces risques et ces coûts supplémentaires afin d'acquérir des véhicules multi-pays compatibles avec la Suisse.

L'UE a de nouveau déclassé la Suisse en tant qu'État tiers. De ce fait, les accords existants avec nos pays voisins concernant les lignes dites frontalières ne sont plus valables. Pour les trajets transfrontaliers vers une gare frontalière, les entreprises ferroviaires doivent passer par les procédures d'autorisation nationales de l'État voisin. Cela signifie un surcroît de travail et des entraves massives pour le trafic transfrontalier. Les incertitudes qui en découlent mettent en péril le transfert modal.

Si la Suisse et l'UE se mettaient d'accord sur les questions institutionnelles et que la voie bilatérale avait à nouveau un avenir, existe-t-il dans votre branche un potentiel pour une coopération encore meilleure avec les voisins européens ?

Sans aucun doute. Avec le 4e paquet ferroviaire, l'UE a lancé un vaste programme de rénovation. Premièrement, elle vise un Single European Railway Area (SERA) : des règles harmonisées au niveau international doivent remplacer les différentes prescriptions nationales actuelles et simplifier ainsi les transports ferroviaires transfrontaliers. Deuxièmement, le secteur ferroviaire a un besoin urgent d'innovation technique, ces développements sont coordonnés à l'échelle européenne au sein d'organes de l'UE. Grâce aux directives révisées de l'UE, les autorités nationales disposent de compétences élargies en matière de coopération avec les pays voisins. Et troisièmement, la reconnaissance des autorisations existantes dans le domaine du système de gestion de la sécurité, du matériel roulant, du personnel ferroviaire et des travaux spécialisés doit favoriser l'exploitation ferroviaire.

Les organes de l'UE font avancer l'innovation dans le secteur ferroviaire européen - la Suisse doit également s'impliquer. En tant que représentant des chargeurs et des détenteurs de wagons, quelle est votre demande concrète à la politique européenne de la Suisse ?

Il faut rapidement mettre fin au blocage actuel avec les exclusions. La politique suisse doit s'engager clairement en faveur de la culture libre d'Europe occidentale et apporter activement sa contribution au renforcement de cette culture. La Suisse profite également d'accords garantis par contrat avec les pays européens voisins.

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